III.

Comme c'est le début, je sens le besoin de me rendre en Territoires Inconnus. Je traverserai la Rivière et j'irai conquérir ce lieu qui me fait face, cette mystérieuse rive opposée, repaire des loutres brûlées. L'affront et l'effroi seront mes armes. Rien ne me résistera. Je n'appartiens pas à ce qui est Mort. Poignées de sel lancées en l'air, gousses d'ails, signes de croix, lumière, talismans, rien ne me repoussera. Je ne m'éloignerai intentionnellement que d'une chose: la Sympathie de ceux qui m’entourent. Pour cette courte période, il y a Moi et il y a les Autres. Ils m'en veulent tous, c'est ce que je dois maintenant me dire.

Je défais le nœud du câble qui retient le bateau, je soulève ma cape pour ne pas qu'elle traîne dans l'eau polluée, je monte à bord, et je me laisse aller.

Je rame, mes bras sont lourds mais je continue. Je me propulse rapidement, je me hâte de traverser la Rivière, je suis trop visible ici au milieu de cette étendue d'eau. Je suis tellement pressé qu'en arrivant au bord mon bateau se cogne contre un rocher. Je débarque sur la rive et j'approche mon oreille de mon embarcation endommagée. J'écoute. L'air sort, le bateau se meurt, le rocher a percé sa paroi.

Penché sur cette pierre acérée, pointant mon doigt vers elle, je lui dis: "Sale rocher, tu as saboté mon bateau! Tu l'as fait exprès, hein?"

Je la soulève, c'est difficile parce qu'elle est lourde et qu'elle se débat. Je la lance. Pour se venger elle demande à l'eau de m'éclabousser. Ils ne me font pas peur.

"Tu l'as bien méritée, méchante roche, ne viens pas me dire que tu ne l'as pas mérité!"

Le bateau rapetisse toujours, s’essouffle. Tant pis.

"Merci bateau, je ne t'oublierai pas."

Apathique il se laisse porter par le courant, se cognant parfois mollement contre le bord. De toute évidence je reviendrai autrement que par la voie maritime.

Je me hisse jusqu’à la rue.

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