IV.

Aussitôt rendu, voilà que j'aperçois un cycliste. Il m'a vu de loin, avec mon chapeau et ma cape. Il m’en veut.

"Tu ne m'auras pas!" je lui crie sauvagement, après quoi je me dirige vers un endroit mal éclairé, de l'autre côté de la rue. Il ne me poursuit pas. Il continue son chemin, regarde curieusement ce que je fais. L'oubliant, je m'engage dans une petite rue sombre. La lueur fantôme des télés brille dans presque toutes les fenêtres. Sur les balcons des pantins à têtes de citrouilles attendent patiemment qu'on mette feu à leur cerveau et qu’on leur allume les yeux. Des guirlandes oranges et noires déjà déchirées pendent des gouttières. Je suis agacé par toutes ces façades décorées de squelettes en carton et de sorcières caricaturales. Personne n'essaie d'être différent, tout le monde célèbre cette Date en achetant ces Apparences au magasin.

Il arrive que les décorations d'une maison soient assez élaborées pour que je sente derrière ces efforts l'intellect de quelqu'un avec qui je pourrais m'amuser. Que ce soit sous ma forme présente de Créature de la Nuit, ou l'autre (la forme que j’ai le reste du temps), le jeune homme timide.

Demain soir, quand l'école aura laissé aller les enfants, tout s'enchaînera. Je pourrai alors marcher avec cape, canne et chapeau, sans éveiller de malaises chez ceux qui me croiseront. Je n'aurai plus aucun pouvoir sur la peur des gens. Sauf pour ceux --- et je les aime --- qui veulent bien avoir peur.

Mais tout cela est encore loin. Pour le moment je me concentre sur les préparatifs. Je marche et me disperse dans les villes pour annoncer silencieusement la venue de la Date, et pour préparer les habitants à cet événement.

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