Il est grand temps que je retourne dans des lieus que je connais un peu plus, pour pouvoir mieux les hanter. Mais comme la Rivière a réclamé mon bateau en gage de paiement, je dois passer par un chemin un peu différent: un pont.
Passant par des endroits moins bien éclairées je réussis à m’y rendre sans qu’âme ne me voit.
Passant par des endroits moins bien éclairées je réussis à m’y rendre sans qu’âme ne me voit.
Sous les caresses de la lune le pont de métal brille comme du mercure. Si j’y mets pied, va-t-il onduler et m’engloutir? Ah, comme ça serait merveilleux…
Je monte la petite pente, enjambe un parapet, et me retrouve sur les rails. Pas de train en vue. C'est une bonne chose car je pourrais être tenté de m’accrocher à un wagon pour aller hanter la Monde Entier.
Ici je suis vraiment seul. C’est un pont que seuls les trains et les marcheurs utilisent (et à cette heure il n’y a plus beaucoup de gens qui marchent). Loin à ma droite, à quelques kilomètres, je vois un autre pont, où des dizaines de voitures vont et viennent. Pas d’Ombre sur cet autre pont, pas de silence.
Je m’en détourne. À ma gauche, au loin, un peu plus loin que l’endroit où j’ai traversé la Rivière, je vois l’Usine… Château Luisant, Manoir Illuminé, Citadelle Fumante, Monolithe de Métal… ce Démon qui se nomme CIL. Son emblème est probablement un œil malfaiteur entouré d’une couronne de petits cils acérés.
La regardant, j’ai une soudaine Illumination: c’est là que je dois aller. Une chose m’inquiète tout de même… je ne sais pas pourquoi je dois y aller.
Je vois d’ici sa myriade de lumières électriques, ses spirales de cheminées qui régurgitent leur purée grise. Et la grande Tour, où brûle une torche solitaire, tout en haut. Dans son coin noir, cet Antre, cette Fabrique de Destruction, domine la petite ville. Les lampadaires qui longent la Rivière me semblent être en fait les piquets successifs d’un garde-fou géant, empêchant les gens de s’échapper par la Rivière, ne leur laissant d’autre choix que d’aller respirer l’air empoisonné, que d’aller se détruire les tympans près de ces machines qui par leurs vibrations évoquent de sombres spectres.
Ah, si je vois tout ça d’ici, qu’est-ce que ça sera quand je serai tout près?
Mais j’entends un bruit. Un marcheur solitaire qui comme moi emprunte la petite passerelle de ce pont ferroviaire. Il se dirige vers la Ville de Néant d’où je veux présentement m'enfuir.
Tout de suite j'enjambe la barrière et je descends dans les entrailles du pont, me faufilant parmi ses intestins de fer. Je m’installe sur une poutre, confortablement assis dans de la graisse épaisse et noire. Ma cape respire, agitée par le vent.
Le marcheur approche, est pratiquement au-dessus de moi. Comme les Trolls d’antan, j’entonne: "Mais qui est-ce que j’entends marcher sur mon pont?"
L’homme ne ralenti même pas sa marche, se contente de dire: "Ha ha ha, très drôle".
Quoi?
"Quoi? On rit face à sa propre Mort? J’ai faim… je dois me nourrir."
Mais il continue, il n’a pas peur. Ou du moins il ne se laisse pas aller à sa peur. Ma déclamation ne l’amuse même pas. Il ne prend aucun plaisir à ce qu’il lui arrive quelque chose d’inhabituel. Il est agacé, agacé par la petite pointe d’effroi que je lui ai fait subir.
"Quoi, imbécile, je t’ai dérangé pendant que tu pensais à tes impôts?!?"
Mais il est déjà loin.
J’ai failli à ma tâche, je ne mérite pas de retourner à la surface. Je traverse la Rivière parmi les viscères du pont, me salissant de ses fluides noirs et graisseux, déchirant ma cape. En arrivant de l’autre côté je suis un peu en colère et c’est avec détermination que je m’engage sur le chemin de bitume qui me conduira à la Grande Tour Noire.
Je monte la petite pente, enjambe un parapet, et me retrouve sur les rails. Pas de train en vue. C'est une bonne chose car je pourrais être tenté de m’accrocher à un wagon pour aller hanter la Monde Entier.
Ici je suis vraiment seul. C’est un pont que seuls les trains et les marcheurs utilisent (et à cette heure il n’y a plus beaucoup de gens qui marchent). Loin à ma droite, à quelques kilomètres, je vois un autre pont, où des dizaines de voitures vont et viennent. Pas d’Ombre sur cet autre pont, pas de silence.
Je m’en détourne. À ma gauche, au loin, un peu plus loin que l’endroit où j’ai traversé la Rivière, je vois l’Usine… Château Luisant, Manoir Illuminé, Citadelle Fumante, Monolithe de Métal… ce Démon qui se nomme CIL. Son emblème est probablement un œil malfaiteur entouré d’une couronne de petits cils acérés.
La regardant, j’ai une soudaine Illumination: c’est là que je dois aller. Une chose m’inquiète tout de même… je ne sais pas pourquoi je dois y aller.
Je vois d’ici sa myriade de lumières électriques, ses spirales de cheminées qui régurgitent leur purée grise. Et la grande Tour, où brûle une torche solitaire, tout en haut. Dans son coin noir, cet Antre, cette Fabrique de Destruction, domine la petite ville. Les lampadaires qui longent la Rivière me semblent être en fait les piquets successifs d’un garde-fou géant, empêchant les gens de s’échapper par la Rivière, ne leur laissant d’autre choix que d’aller respirer l’air empoisonné, que d’aller se détruire les tympans près de ces machines qui par leurs vibrations évoquent de sombres spectres.
Ah, si je vois tout ça d’ici, qu’est-ce que ça sera quand je serai tout près?
Mais j’entends un bruit. Un marcheur solitaire qui comme moi emprunte la petite passerelle de ce pont ferroviaire. Il se dirige vers la Ville de Néant d’où je veux présentement m'enfuir.
Tout de suite j'enjambe la barrière et je descends dans les entrailles du pont, me faufilant parmi ses intestins de fer. Je m’installe sur une poutre, confortablement assis dans de la graisse épaisse et noire. Ma cape respire, agitée par le vent.
Le marcheur approche, est pratiquement au-dessus de moi. Comme les Trolls d’antan, j’entonne: "Mais qui est-ce que j’entends marcher sur mon pont?"
L’homme ne ralenti même pas sa marche, se contente de dire: "Ha ha ha, très drôle".
Quoi?
"Quoi? On rit face à sa propre Mort? J’ai faim… je dois me nourrir."
Mais il continue, il n’a pas peur. Ou du moins il ne se laisse pas aller à sa peur. Ma déclamation ne l’amuse même pas. Il ne prend aucun plaisir à ce qu’il lui arrive quelque chose d’inhabituel. Il est agacé, agacé par la petite pointe d’effroi que je lui ai fait subir.
"Quoi, imbécile, je t’ai dérangé pendant que tu pensais à tes impôts?!?"
Mais il est déjà loin.
J’ai failli à ma tâche, je ne mérite pas de retourner à la surface. Je traverse la Rivière parmi les viscères du pont, me salissant de ses fluides noirs et graisseux, déchirant ma cape. En arrivant de l’autre côté je suis un peu en colère et c’est avec détermination que je m’engage sur le chemin de bitume qui me conduira à la Grande Tour Noire.
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