Alors que je faisais cette brève communion avec moi-même, des milliers d’univers se préparaient pour la soirée.
Revenus de l’école les enfants ont voulu se débarrasser rapidement de la corvée du souper. Mais on ne change pas si facilement l’horaire établi; les mères et les pères protestent: "le souper n’est pas prêt… je viens juste d’arriver du travail… ta sœur est même pas revenue de l’école… laisse moi le temps… prend une collation en attendant." Mais ils n’en veulent pas de votre collation, ils ne veulent pas attendre, ils ne veulent même pas souper… ils en sont obligés. L’école terminée ils croyaient que l’attente aussi disparaîtrait, mais elle se poursuit encore, maintenant dans leur propre maison. C'est insoutenable.
Certains n’en peuvent plus et commencent tout de suite à se déguiser, exaspérant les parents avec leurs requêtes: "Où tu l’as mis le maquillage?" ou "Mon chapeau est où?".
D’autres enfants, plus résignés ou plus patients, s’assoient devant la télé et regardent des histoires. S’ils sont chanceux ils pourront voir des dessins animés qui ont l'Halloween pour thème.
Pendant leur repas la normalité et la banalité sont telles qu’ils sont remplis d’une étrange inquiétude… et si ce n’était pas vraiment l’Halloween? et si la soirée se révélait être comme toutes les autres? Ils n’ont cependant qu’à regarder par la fenêtre pour voir en ces feuilles mortes et en ces décorations la preuve du Dernier Jour d’Octobre.
Le repas terminé ils ne prennent pas de dessert, voulant se garder de la place pour tous les bonbons. "Laisse-moi respirer un peu," disent les mères et les pères, mais rien n’y fait; le mécanisme est en marche.
On fait mettre aux enfants des vêtements chauds sous leurs costumes, malgré les protestations. Bien sûr le costume est plus difficile à mettre (et moins parfait) à cause de ces gros chandails, à cause de ces bottes, mais là dessus les parents ne reculent pas.
"Y’annoncent de la neige," leur lance-t-on en guise de justification.
Ensuite on applique le maquillage. Les orbites noircis pour les petits mort-vivants, les joues rouges pour les princesses et les poupées, les cicatrices pour les pirates, les moustaches pour les policiers, les barbes pour les clochards, les larmes pour les pierrots, le visage vert pour les sorcières, blancs pour les vampires à la bouche ensanglantée, et le maquillage exubérant des petites filles déguisées en Grandes Dames.
Ensuite viennent les accessoires si importants: les épées pour les chevaliers, les haches pour les bourreaux, les biberons ou les suces pour les bébés, les oreilles pour les chiens, les nez pour les cochons, les lunettes pour les hommes d’affaire, les bouteilles pour les ivrognes, les baguettes pour les fées, les chapeaux et les pistolets pour les cowboys, les casques pour les astronautes, les masques et les palmes pour les hommes-grenouilles, les antennes des martiens, les croix pour les prêtres, les cannes pour les vieillards, les stéthoscopes pour les docteurs, les boulets des prisonniers, la faucille de la Mort.
Viennent finalement les choses dont les enfants se passeraient bien: les tirelires oranges pour recueillir des fonds pour des organismes humanitaires, dans certains cas aussi des lampes de poche, des recommandations verbales sur les mesures sécuritaires à suivre, et des parents plus inquiets prennent même des autocollants réflecteurs qu’ils collent sur les costumes pour qu’ils soient plus voyants, gâchant ainsi toute l’image d’authenticité que pouvait avoir le déguisement.
Entre temps le soleil s’est couché, ses lueurs orangées ont disparues, et les Arbres de la Nuit sont maîtres. Les parents ne peuvent plus retenir leurs enfants; avec nostalgie et inquiétude ils les laissent aller (ou s’ils sont encore jeunes partent avec eux, intrus non-costumés, qui même parfois commettent le sacrilège de les escorter en voiture).
Des milliers d’univers sortent de leurs maisons camouflées par leur costume, et je suis là avec les feuilles mortes pour les accueillir.
Revenus de l’école les enfants ont voulu se débarrasser rapidement de la corvée du souper. Mais on ne change pas si facilement l’horaire établi; les mères et les pères protestent: "le souper n’est pas prêt… je viens juste d’arriver du travail… ta sœur est même pas revenue de l’école… laisse moi le temps… prend une collation en attendant." Mais ils n’en veulent pas de votre collation, ils ne veulent pas attendre, ils ne veulent même pas souper… ils en sont obligés. L’école terminée ils croyaient que l’attente aussi disparaîtrait, mais elle se poursuit encore, maintenant dans leur propre maison. C'est insoutenable.
Certains n’en peuvent plus et commencent tout de suite à se déguiser, exaspérant les parents avec leurs requêtes: "Où tu l’as mis le maquillage?" ou "Mon chapeau est où?".
D’autres enfants, plus résignés ou plus patients, s’assoient devant la télé et regardent des histoires. S’ils sont chanceux ils pourront voir des dessins animés qui ont l'Halloween pour thème.
Pendant leur repas la normalité et la banalité sont telles qu’ils sont remplis d’une étrange inquiétude… et si ce n’était pas vraiment l’Halloween? et si la soirée se révélait être comme toutes les autres? Ils n’ont cependant qu’à regarder par la fenêtre pour voir en ces feuilles mortes et en ces décorations la preuve du Dernier Jour d’Octobre.
Le repas terminé ils ne prennent pas de dessert, voulant se garder de la place pour tous les bonbons. "Laisse-moi respirer un peu," disent les mères et les pères, mais rien n’y fait; le mécanisme est en marche.
On fait mettre aux enfants des vêtements chauds sous leurs costumes, malgré les protestations. Bien sûr le costume est plus difficile à mettre (et moins parfait) à cause de ces gros chandails, à cause de ces bottes, mais là dessus les parents ne reculent pas.
"Y’annoncent de la neige," leur lance-t-on en guise de justification.
Ensuite on applique le maquillage. Les orbites noircis pour les petits mort-vivants, les joues rouges pour les princesses et les poupées, les cicatrices pour les pirates, les moustaches pour les policiers, les barbes pour les clochards, les larmes pour les pierrots, le visage vert pour les sorcières, blancs pour les vampires à la bouche ensanglantée, et le maquillage exubérant des petites filles déguisées en Grandes Dames.
Ensuite viennent les accessoires si importants: les épées pour les chevaliers, les haches pour les bourreaux, les biberons ou les suces pour les bébés, les oreilles pour les chiens, les nez pour les cochons, les lunettes pour les hommes d’affaire, les bouteilles pour les ivrognes, les baguettes pour les fées, les chapeaux et les pistolets pour les cowboys, les casques pour les astronautes, les masques et les palmes pour les hommes-grenouilles, les antennes des martiens, les croix pour les prêtres, les cannes pour les vieillards, les stéthoscopes pour les docteurs, les boulets des prisonniers, la faucille de la Mort.
Viennent finalement les choses dont les enfants se passeraient bien: les tirelires oranges pour recueillir des fonds pour des organismes humanitaires, dans certains cas aussi des lampes de poche, des recommandations verbales sur les mesures sécuritaires à suivre, et des parents plus inquiets prennent même des autocollants réflecteurs qu’ils collent sur les costumes pour qu’ils soient plus voyants, gâchant ainsi toute l’image d’authenticité que pouvait avoir le déguisement.
Entre temps le soleil s’est couché, ses lueurs orangées ont disparues, et les Arbres de la Nuit sont maîtres. Les parents ne peuvent plus retenir leurs enfants; avec nostalgie et inquiétude ils les laissent aller (ou s’ils sont encore jeunes partent avec eux, intrus non-costumés, qui même parfois commettent le sacrilège de les escorter en voiture).
Des milliers d’univers sortent de leurs maisons camouflées par leur costume, et je suis là avec les feuilles mortes pour les accueillir.
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