XIX. (La Troisième Caverne)

ette fois, je dois ramper plus longtemps. J’ai mal partout. J’ai des crampes dans la mâchoire à force de soutenir le poids du chat dans ma cape, et le devant de mes tibias me fait souffrir. Malgré tout, cette sensation de ne pas appartenir à ce corps de douleur demeure, et je progresse sans en être réellement ralenti.

Au fil des cavités, des ruissellements, des cadavres de rats, des aspérités, le son d’une machine titanesque se fait de plus en plus fort. Un bruit malsain qui irrite les tympans. J’arrive enfin à l’origine de ce bruit et je débouche dans cette caverne. À peine sorti, me voilà menacé par de nombreux engrenages en pleine action, ce qui m’oblige à anticiper leurs mouvements pour aller me mettre à l’abri. Je me sens comme un lutin déambulant dans les mécanismes d’une locomotive en marche.

De l’autre côté de la caverne, je me réfugie dans un creux dans le mur et j’observe la machine pour voir ce que j’en comprends, tout en berçant mon petit animal. J’ai l’impression que dans mes bras il grelotte, comme terrifié à l’idée que je le laisse ici. Moi-même entraîné par la berceuse infernale que fait l’engin, j’ai une idée fulgurante: détruire cette machine…

J’en reste figé quelques instants, enchanté par mes fantasmes de sabotage. Malheureusement, malheureusement, je n’ai rien pour entraver les mécanismes. Je n’ai que mon propre corps… je serais broyé mais ça ruinerait le bon fonctionnement de cette abomination.

Non. Ma mort n’est pas pour aujourd’hui. Ce serait idiot, la machine aurait gagné. On réparerait la machine; moi on ne me réparerait pas.

Je lui laisse donc mes mauvaises intentions, et rien d’autre.

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