Renonçant momentanément à mon anonymat, je m'engage sur le trottoir d'un grand boulevard, voulant aller constater l'état des choses dans un centre commercial. En chemin, les gens me regardent rapidement, isolés dans leurs voitures. Je leur renvois leur indifférence.
Une fois rendu, je traverse le stationnement et franchis les portes vitrées.
À l'intérieur, c’est comme si l’Halloween était déjà finie. Pour eux c’est la période qui précède le Jour qui compte. Aujourd’hui (ou demain au plus tard) de jeunes étalagistes commenceront à ranger les guirlandes noires et oranges, les citrouilles de plastique, les masques de caoutchouc puants, les lampes de poche (qui sous des couverts de fête et d’amusement ne sont en fait que des instruments de "sécurité" décrétés par les autorités); on va aussi ranger les chandelles en forme de sorcières, les balais manufacturés expéditivement en usines, les haches et les épées de plastique vide, les perruques, les cassettes de bruits "effrayants", les fausses toiles d’araignées et les maquillages, et puis ils mettront toutes les friandises invendues dans un grand bac, où elles seront écoulées à rabais.
Lentement on commencera à installer les produits et les décorations de Noël. Déjà ils commencent à faire jouer de la musique de Noël, ne faisant plaisir à personne.
Voyant la musique comme autre chose qu’un aide-mémoire, je sors du magasin; voyant autre chose dans un stationnement qu’un simple espace de rangement pour les voitures, je quitte le centre commercial; voyant autre chose dans les nuages que des préliminaires de mauvais temps, je m’éloigne de ces gens préoccupés et je vais m’asseoir dans un parc.
Le quartier est calme. Les enfants sont à l’école, et une grande partie des adultes sont au travail. Je vois une mère et sa petite fille près de la glissade, mais elles ne savent pas que je suis là. Je ne vois personne d’autre. À mes yeux, la ville paisible qui m’entoure est profonde et résonante. Le ciel gris dissémine une luminosité pure et neutre, détachant clairement cette balançoire de cette herbe, cette clôture de cet arbre, ce banc de cette poubelle. Tout me semble statique et bien défini. Cette femme qui attrape sa petite fille au bas de la glissade me touche personnellement, elle est compagne de mon humanité, elle est noble, justifiée. Les troncs des arbres gris viennent ponctuer le décor de ces maisons diverses. La richesse de cette géographie, de cette architecture, de la disposition des jeux dans le parc… mon cœur n’est en ce moment qu’une seule chose: Conscience du Monde. L'observation complète, l’appréciation totale. Je vois la forêt qui poussait ici il y a quelques siècles; l’océan qui y grommelait il y a des millions d'années… les nouveaux développements immobiliers et commerciaux qui un jour remplaceront le parc… tout est autour de moi, espace et temps, circonférence fabuleuse. Je suis dans un état que je ne peux appeler que visionnaire. C'est ma raison de vivre.
À regarder ou à peser les choses dans mon esprit, j’en viens à être intéressé par tout, à passer de longs moments de réflexion devant chaque chose. Des contemplations qui sont autant imaginations que déductions qu’hallucinations que visions.
Une voiture dans l’entrée de cette maison grise. Le coffre est ouvert, les clés dans la serrure, la porte de la maison se referme doucement. Je prédis alors la venue d’une personne qui sortira de la maison, se rendra jusqu’à la voiture, prendra le dernier sac d’épicerie, refermera avec difficulté le coffre, et avec la main libre retirera les clés. Quelques secondes s’écoulent et je vois ce que je viens de concevoir, auquel la réalité a ajouté une précision: la personne est un homme à casquette dans la cinquantaine.
Une citrouille géante plane au-dessus du Monde, et mon regard va jusqu’au bout de la Terre.
Une fois rendu, je traverse le stationnement et franchis les portes vitrées.
À l'intérieur, c’est comme si l’Halloween était déjà finie. Pour eux c’est la période qui précède le Jour qui compte. Aujourd’hui (ou demain au plus tard) de jeunes étalagistes commenceront à ranger les guirlandes noires et oranges, les citrouilles de plastique, les masques de caoutchouc puants, les lampes de poche (qui sous des couverts de fête et d’amusement ne sont en fait que des instruments de "sécurité" décrétés par les autorités); on va aussi ranger les chandelles en forme de sorcières, les balais manufacturés expéditivement en usines, les haches et les épées de plastique vide, les perruques, les cassettes de bruits "effrayants", les fausses toiles d’araignées et les maquillages, et puis ils mettront toutes les friandises invendues dans un grand bac, où elles seront écoulées à rabais.
Lentement on commencera à installer les produits et les décorations de Noël. Déjà ils commencent à faire jouer de la musique de Noël, ne faisant plaisir à personne.
Voyant la musique comme autre chose qu’un aide-mémoire, je sors du magasin; voyant autre chose dans un stationnement qu’un simple espace de rangement pour les voitures, je quitte le centre commercial; voyant autre chose dans les nuages que des préliminaires de mauvais temps, je m’éloigne de ces gens préoccupés et je vais m’asseoir dans un parc.
Le quartier est calme. Les enfants sont à l’école, et une grande partie des adultes sont au travail. Je vois une mère et sa petite fille près de la glissade, mais elles ne savent pas que je suis là. Je ne vois personne d’autre. À mes yeux, la ville paisible qui m’entoure est profonde et résonante. Le ciel gris dissémine une luminosité pure et neutre, détachant clairement cette balançoire de cette herbe, cette clôture de cet arbre, ce banc de cette poubelle. Tout me semble statique et bien défini. Cette femme qui attrape sa petite fille au bas de la glissade me touche personnellement, elle est compagne de mon humanité, elle est noble, justifiée. Les troncs des arbres gris viennent ponctuer le décor de ces maisons diverses. La richesse de cette géographie, de cette architecture, de la disposition des jeux dans le parc… mon cœur n’est en ce moment qu’une seule chose: Conscience du Monde. L'observation complète, l’appréciation totale. Je vois la forêt qui poussait ici il y a quelques siècles; l’océan qui y grommelait il y a des millions d'années… les nouveaux développements immobiliers et commerciaux qui un jour remplaceront le parc… tout est autour de moi, espace et temps, circonférence fabuleuse. Je suis dans un état que je ne peux appeler que visionnaire. C'est ma raison de vivre.
À regarder ou à peser les choses dans mon esprit, j’en viens à être intéressé par tout, à passer de longs moments de réflexion devant chaque chose. Des contemplations qui sont autant imaginations que déductions qu’hallucinations que visions.
Une voiture dans l’entrée de cette maison grise. Le coffre est ouvert, les clés dans la serrure, la porte de la maison se referme doucement. Je prédis alors la venue d’une personne qui sortira de la maison, se rendra jusqu’à la voiture, prendra le dernier sac d’épicerie, refermera avec difficulté le coffre, et avec la main libre retirera les clés. Quelques secondes s’écoulent et je vois ce que je viens de concevoir, auquel la réalité a ajouté une précision: la personne est un homme à casquette dans la cinquantaine.
Une citrouille géante plane au-dessus du Monde, et mon regard va jusqu’au bout de la Terre.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire