XXII.

Ça me prend une bonne minute avant de réaliser que je suis debout, que je respire avec jouissance, que je vois autre chose que de l’obscurité. Je penche la tête et baisse les yeux sur mon corps. Je suis sale et usé comme un mineur. Je relève la tête.



Je suis sur le Territoire de l’immonde CIL, près d’un petit coin boisé. Comme au Moyen Âge les Seigneurs se réservaient un grand territoire où eux seuls avaient accès, cette Usine détient une seigneurie immense, qui contient plus de forêt que la ville qui la voisine. En fait, cette Usine et cette Ville appelée Ellivret Sam sont jumelles, deux petites cités.

La CIL est la Cité de la Mort.

Ellivret Sam est la Cité de la Vie.



Des hautes cheminées sort de la fumée rendue blanchâtre et lumineuse par les ampoules puissantes qui l’éclairent d’en dessous. Oui, ces ampoules, cette lumière artificielle, cette fumée-nuage, ces spirales enroulées autour des cheminées, donnent à l’Usine une fausse Beauté.



Tout en haut d’une autre cheminée danse une flamme salamandrine et impie, petit Esprit du Feu à qui je demande: "D’où tires-tu ta vie, petite chandelle?"

La flamme se trémousse, tourne ses yeux de cobalt vers moi, des lueurs smaragdines émanant de ses cheveux de feu.

"T’occupes pas de ça… le Bûcher où riffaudent les animaux du Seigneur des Morts m’alimentera pour bien des lustres."

Le feu follet poursuit sa danse un peu puis s’arrête, tourne encore la tête vers moi, ses mains sur le rebord de la cheminée.

"Tu ne sortiras plus d’ici alors va voir le Seigneur, tout en haut de la Tour."

Il s’enfonce dans l’orifice en riant, puis avec la brise qui tout à coup se lève il ressort plus grand, maintes fois plus brûlant. Derrière lui je vois la Tour, celle qui gouverne tout ce que je vois. Une torche solitaire brûle tout en haut, comme un œil rouge qui m’attend.


Aucun commentaire: